Dans le cadre de notre mission « Le sexe sans stigmate », nous souhaitons mettre en lumière certains sujets sexuels dont on parle peu. Souvent, avec des problèmes sexuels comme le vaginisme, l’une des choses les plus difficiles est de savoir si on en souffre et où trouver de l’aide. Nous avons donc discuté avec Sarah Berry – sexologue et thérapeute de couple pour en savoir plus sur le vaginisme. Qu’est-ce que c’est, et quels conseils peut-elle donner à celles qui pourraient être concernées ?
Qu’est-ce que le vaginisme ?
Le vaginisme survient lorsque le corps d’une femme tente de la protéger de toute pénétration – pas seulement par un pénis, mais aussi par des doigts, des sextoys, des tampons, des instruments médicaux, etc. Le vaginisme est souvent le symptôme de quelque chose d’autre. Donc, même s’il est tout à fait possible de prendre du plaisir sans pénétration, cela peut indiquer qu’il y a un autre souci sous-jacent.
Il existe deux types de vaginisme :
- Vaginisme primaire, lorsque la pénétration a toujours été difficile.
- Vaginisme secondaire, apparu plus tard dans la vie.
Le vaginisme secondaire peut être la conséquence d’un traumatisme, par exemple si la personne a subi des abus, un viol, une intervention médicale difficile ou un accouchement. Cela peut aussi venir d’une éducation où le sexe ou le corps étaient perçus comme honteux ou mauvais, ou encore d’une relation compliquée vécue personnellement. Le vaginisme peut également survenir suite à des changements corporels comme la ménopause ou après des douleurs, dues par exemple à une vulvodynie, un cancer du col de l’utérus ou des problèmes postnataux.
À quel point le vaginisme est-il fréquent ?
Il existe de nombreux chiffres à ce sujet mais je parierais que c’est bien plus courant, car de nombreux cas ne sont pas diagnostiqués.
Comment savoir si l’on souffre de vaginisme ?
Pour diagnostiquer le vaginisme, les professionnels de santé insèrent généralement un doigt dans le vagin pour vérifier s’il se contracte, ou se basent sur des témoignages indiquant que cela se produit. Il n’existe pas d’autres signes visibles – cela n’apparaît pas à l’imagerie médicale – ce qui fait que le vaginisme passe souvent inaperçu.
Comme beaucoup de gens ignorent l’existence de cette condition, il est malheureusement facile de la passer sous silence. J’ai vu, dans certains cas, des personnes éviter les frottis, mettre de côté leur désir de maternité ou fuir les relations. Cela peut également entraîner de la dépression ou de l’anxiété, car on peut ressentir un sentiment d’impuissance ou de perte de contrôle sur son corps – ou être marqué par un traumatisme sous-jacent. Certaines personnes qui peuvent être pénétrées trouvent malgré tout l’expérience très douloureuse et traumatisante – j’ai entendu une cliente dire qu’elle avait l’impression d’être prise pour un bélier.
Comment traite-t-on le vaginisme ?
Lorsque je travaille avec des patientes souffrant de vaginisme, je trouve qu’il est important qu’elles puissent trouver leur propre chemin vers la guérison. D’abord, j’explique ce qu’est le vaginisme, puis j’essaie de comprendre quels sont les blocages – est-ce l’intimité, la pénétration, le stress post-traumatique, la façon dont elles perçoivent leur vagin ?
J’examine leur rapport à leur vulve et à leur vagin. Certaines personnes arrivent à se masturber et à avoir un orgasme, alors que d’autres se sentent très détachées, voire mal à l’aise. Trouver un mot pour la nommer — que ce soit vagin, minou, yoni, un autre terme existant ou même un mot inventé — peut être un début.
Si elles ont du mal à le toucher, je leur propose parfois, une fois chez elles, de le prendre dans la paume de leur main par-dessus leur culotte, puis de passer à un contact direct dans le bain ou sous la douche. Dessiner la vulve, ce qui implique de placer un miroir entre ses jambes, peut aussi être un excellent moyen de démystifier la vulve et le vagin, et de mieux les apprivoiser avec un regard plus bienveillant et curieux.
Y a-t-il des techniques que vous recommanderiez aux personnes souffrant de vaginisme ?
Pour « entraîner le vagin » à la pénétration, la première étape consiste à localiser les muscles du périnée (kegel). Ce sont les muscles qui se contractent à la menace de pénétration et causent le vaginisme. Ce sont aussi les muscles que l’on serre pour arrêter d’uriner. Je leur demande de localiser ces muscles en allant uriner puis en arrêtant le jet en plein milieu. S’ils peuvent reproduire ce geste hors des toilettes, ils peuvent apprendre à contracter et relâcher ces muscles.
Quand la personne est prête, commencez avec quelque chose de très petit comme son petit doigt ou un coton-tige – peut-être recouvert de lubrifiant. Essayez de détendre les muscles du périnée, puis insérez doucement l’objet. Lorsqu’elle se sentira à l’aise, elle pourra passer à quelque chose de plus gros.
Existe-t-il des produits pour les personnes souffrant de vaginisme ?
Le NHS peut fournir un ensemble de dilatateurs – des instruments tubulaires de tailles variées. Mais choisir quelque chose qui plaît visuellement et au toucher peut être valorisant. Sh! Women's Store lance un kit vaginisme (le 14 avril) – comprenant quatre dilatateurs en silicone de différentes tailles, et un mini-vibromasseur que l’on peut insérer dans chacun d’eux. Rocks Off propose également toute une gamme de mini-vibromasseurs.
Que conseilleriez-vous aux couples dont l’un des partenaires souffre de vaginisme ?
Je recommande vivement aux couples et aux personnes seules d’éviter les rapports pénétrants – que ce soit avec des harnais ou des pénis – pendant le traitement de cette condition.
Cela ne veut pas dire qu’ils ne peuvent pas être intimes. La personne atteinte de vaginisme peut réfléchir à ce que le sexe et l’intimité signifient pour elle. A-t-elle du désir ou de l’excitation ? A-t-elle des fantasmes ? Que pourrait-elle faire avec son·sa partenaire qui soit amusant, coquin, romantique ou plaisant, sans générer de stress pour l’un ou l’autre ? Faites des demandes plutôt que des exigences et, si quelque chose ne vous plaît pas, expliquez pourquoi et essayez ensemble de trouver ce qui convient à tous les deux. De plus, le fait que le·la partenaire participe aux exercices de rééducation, par exemple en insérant des sextoys ou des doigts, aide la personne concernée à lâcher prise, à instaurer la confiance et à inclure le·la partenaire dans le processus.
Une fois que la personne se sent détendue en étant pénétrée par ce qu’elle utilise pour s’entraîner, elle peut alors se sentir prête à passer à l’acte sexuel. Cela peut très bien se passer la première fois, ce qui est formidable. Parfois, après une bonne première fois, cela peut devenir compliqué à cause des attentes. Prenez votre temps, donnez-vous beaucoup de retours et n’avancez pas coûte que coûte. Prévoyez un plan B au cas où il faudrait arrêter. Si l’un de vous est excité, il ou elle peut vouloir se masturber. Est-ce qu’on se serre dans les bras ? Est-ce qu’on a besoin d’espace ? D’une tasse de thé ? Soyez clairs et collaborez, pour ne pas finir juste deux personnes nues, mal à l’aise et déconnectées.
Avec les aventures d’un soir ou les plans sans lendemain, beaucoup redoutent le moment où ils annoncent ne pas vouloir de rapports pénétrants. Certains ressentent qu’en expliquant leur choix, ils doivent tout avouer, ce qui peut casser l’ambiance, raviver des traumatismes et être vécu comme une mise à nu. Si vous ressentez le besoin d’en parler longuement, je vous conseille d’aborder le sujet avant de passer à l’acte. Mon conseil serait de préparer quelques phrases expliquant ce que vous souhaitez et pourquoi. Souvent, les personnes avec qui vous partagez ce moment sont simplement ravies d’être avec quelqu’un capable d’exprimer ce qui lui ferait plaisir. Toute personne qui fait pression pour obtenir une pénétration ne mérite pas que vous alliez plus loin.
Que diriez-vous à quelqu’un dont le ou la partenaire souffre de vaginisme ?
Le vaginisme peut être frustrant pour le partenaire. Les deux peuvent douter de leur désirabilité, il peut y avoir beaucoup de tensions et toute forme d’intimité peut devenir pesante. Les disputes peuvent s’intensifier à cause de la frustration, de la jalousie, du sentiment d’impuissance, de l’anxiété, de la dépression, etc. Décider de ne pas avoir de rapports, établir un plan d’action permettant aux deux partenaires d’avancer ensemble, exprimer ses peurs et, surtout, trouver des moyens de rester connectés et de s’amuser ensemble peuvent s’avérer très bénéfiques. Une thérapie de couple peut aider à traverser ce parcours. Certaines personnes atteintes de vaginisme ont juste besoin de comprendre ce que c’est pour pouvoir avancer seules. Pour d’autres, une thérapie peut aider à établir un plan, à dépasser l’évitement, à comprendre, gérer, dépasser ou travailler sur les problèmes sous-jacents et les conséquences du vaginisme. Si le partenaire pénètre avec un pénis, il peut craindre de blesser la personne concernée. Ou alors, il se peut qu’il n’ait pas eu le temps d’être suffisamment excité. Dans un cas comme dans l’autre, il perd son érection. Là encore, le plan B peut aider à gérer cela. Plus vous comprenez tous les deux, mentalement et physiquement, qu’il n’y a pas de mal à ce que cela n’arrive pas, moins vous ressentirez de pression, ce qui pourra faciliter les choses avec le temps. Le plus important est de prendre votre temps, de vous accorder de l’espace si nécessaire, de prévoir des sorties ou des moments à la maison qui ne tournent pas autour du sexe, et de fonctionner en équipe. Un immense merci à Sarah Berry d’avoir pris le temps de nous éclairer sur le vaginisme. Si vous ou votre partenaire êtes concerné·e, n’hésitez pas à partager cet article et à visiter le site de Sarah. Vous pouvez aussi consulter le kit vaginisme de la boutique Sh! Women’s Store, recommandé par Sarah plus haut. Vous pouvez également essayer le PULSE DUO, notre sextoy pour couple qui, grâce à un stimulateur externe, permet d’avoir des rapports incroyables sans pénétration.